Hoshigaki – Kakis séchés à la japonaise

Cet article a été écrit en 2020 et mis à jour en 2023 car j’en fais chaque année. Je me perfectionne un peu et j’ai aussi de jolies photos à ajouter !
Il est temps que je vous parle, après un insoutenable teasing sur Instagram et sur Facebook depuis la mi-décembre, d’une de mes expérimentations culinaires les plus excitantes depuis mes pickles dans du son de riz (nukazuke). Il s’agit de kakis séchés…
Au Japon, quand le froid de l’hiver commence à mordre, pour conserver les abondantes récoltes de kakis à maturité, on a pour habitude de les faire sécher. J’en ai fugacement goûté lors de mon voyage au pays du soleil levant, en 2011, mais ce n’est qu’après, m’intéressant à la culture et surtout à la cuisine japonaise, que j’ai pris conscience de leur valeur et de leur sens. Faire sécher ces fruits s’apparente un peu à de la magie ! 

Le kaki est le fruit d’un arbre très ancien, originaire de Chine, le plaqueminier. On trouve des traces de sa culture dès le néolithique. En parallèle, le Japon l’a aussi adopté et cultivé ; le mot kaki est d’ailleurs japonais (柿). Et plaqueminier se dit « arbre du kaki », « kaki no ki, » ce que je trouve très charmant…
Il existe des milliers de variétés de kakis et on en retrouve aujourd’hui sur tout le globe. Il est très consommé, par exemple, aux Etats-Unis où on lui consacre même un festival, en Indiana, depuis les années 50… L’arbre pousse aussi très bien en France : ma mère, enfant, en avait un dans son jardin à Bordeaux et j’ai des amis qui en ont un, gigantesque, à Rueil Malmaison…
Sous des noms variés, on trouve deux grandes catégories de kakis, ceux qui se dégustent mous – car durs ils sont très astringents – et ceux que l’on consomme fermes car ils sont moins astringents (il y a aussi différentes techniques, plus ou moins naturelles et traditionnelles pour les adoucir). Ce sont les kakis « durs » qui sont le plus adaptés au séchage… La variété fuyu, par exemple, est parfaite. Mais on peut aussi faire sécher les autres.
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Au Japon, le séchage est, bien sûr, une façon ancestrale de les conserver tout l’hiver et jusqu’au printemps, mais aussi de les sublimer. Dans les maisons traditionnelles, il y a une sorte de auvent couvert, l’engawa, où on les suspend. C’est en lisant, en décembre 2020, le beau livre de Valérie Duvauchelle, Le goût silencieux, sur la pratique zen de la nourriture  (aux éditions Actes Sud) que l’envie d’en faire moi-même m’est venue pour la première fois. Elle y raconte le souvenir d’une voisine qui chaque année, quand elle vivait au Japon, lui en offrait pour le Nouvel An… 
Je me suis donc penché dans la relativement abondante littérature en ligne sur le sujet*, j’ai regardé quelques vidéos fascinantes (en japonais) ou d’antiques individus, dans de non moins antiques masures, pelaient et attachaient et pendaient les fruits oranges… et je me suis lancé.

J’ai découvert, en effet, qu’il faut peler les fruits, avant de les mettre à sécher. Au Japon, on les attache, ce qui leur confère une forme différente de ceux venus de Chine qui ont séché à plat. Je trouvais plus joli et plus simple de les suspendre, même si, quand on ne les cueille pas soi-même, on ne dispose pas du petit bout de branche sur chaque fruit qui facilite bien l’opération.
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Le plus difficile est sans doute de trouver chez soi le bon endroit pour les mettre à sécher, car cela prend environ 6 semaines et à Paris, on n’a pas d’engawa… Pour que les kakis sèchent bien, sans risque de pourrir, il faut de l’air et pas trop d’humidité. J’ai caressé l’idée de les mettre sur mon balcon, mais l’idée de kakis au gaz d’échappement m’a refroidi. J’ai donc fait deux essais, concluants : dans mon couloir, au-dessus de la porte de la salle à manger, et près de la fenêtre de ma cuisine, qui donne sur une cour et que je laisse toujours entre-ouverte. C’était parfait… On peut aussi les placer près d’un radiateur.
Les kakis séchés, outre la satisfaction d’avoir mené le processus à son terme soi-même, offrent une texture et une saveur merveilleuses : un peu ferme mais moelleuse  (« chewy » comme on dit en anglais), avec une délicieuse concentration du parfum du fruit. De la magie je vous dis… J’en fais chaque année et chaque année je suis comme un enfant devant cette magie.
Il ne me reste plus qu’à vous raconter.

Récolte 2023

Kakis séchés

Ingrédient et ustensiles…

  • Autant de kakis fermes ou pas trop murs que vous voulez (fuyu par exemple)
  • De la ficelle de cuisine (ou du rafia)
  • 1 couteau économe
  • Des ciseaux

Préparation

Choisissez des kakis mûrs (à la couleur bien vive) mais fermes. Ils doivent être bien jolis, sans altérations ni blessures.

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Commencez par les peler en rond ou en long – avec l’expérience, en long donne peut-être un résultat plus joli après séchage… Mais cela dépend aussi de la taille ou de la forme du fruit.

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Ensuite, attachez-les. Si vous n’avez pas de morceau de branche pratique pour passer la ficelle, ce qui est probable si vous les avez achetés et non cueillis vous-mêmes, passez-la autour du pédoncule.

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Il suffit ensuite de les suspendre. L’idéal est d’avoir un bâton que l’on pourra disposer horizontalement avec les fruits suspendus. Quand ce n’est pas possible, on peut laisser pendre plusieurs fruits verticalement sur un même fil en veillant à ne pas les blesser.

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Jour 1.

Si vous avez coupé vous-même les kakis sur l’arbre, vous aurez ce fameux petit bout de branche qui facilitera grandement l’attache, comme ici avec les kakis de mes amis de Rueil.

Ensuite, il faut être patient et surveiller que tout se passe bien, pour intervenir si un fruit s’abime (essayer de le sauver, changer d’endroit, ou retirer le fruit gâté définitivement). Le processus prend 4 à 6 semaines selon le lieu, la température et la ventilation.

Idéalement, quand les fruits sont déjà assez secs pour avoir reformé une sorte peau (ils sont secs au toucher), il faut les « masser » (délicatement pour ne pas les déchirer), quelques minutes tous les jours, pour bien répartir la chair à l’intérieur et faire remonter le sucre qui formera une jolie poudre blanche en surface. Au bout d’un moment, le fruit a suffisamment séché pour que l’on ne puisse plus faire rouler sa chair sous les doigts.
Comme j’ai dû m’absenter, je n’ai pas accompli cette mission très régulièrement, mais j’ai quand même obtenu un bon résultat. Mais plus le massage est régulier plus la pellicule de sucre se formera.

***

2020 : après 1 semaine de séchage :

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Après 2 semaines :

Il faut bien masser…

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Après 4 semaines :

J’ai mis cette fournée dans une boîte à ce moment là car le séchage a été assez rapide.

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Je vous recommande de goûter des fruits à différents niveaux de séchage pour déterminer comment vous les préférez, car c’est aussi une question de goût. Si le processus arrive à son terme, les fruits se conservent longtemps dans une boîte en fer. Jusqu’au printemps suivant…

Il ne reste plus qu’à les offrir ou à les déguster, comme une gourmandise ou en touche finale sur un dessert.

« Bonne année à vous, cette année encore je solliciterai votre bienveillance et je m’en excuse par avance. » (in Le goût silencieux, ed. Actes Sud, p. 35)

Photos de la « fournée » 2023 : ce sont les fruits de l’arbre de mes amis de Rueil.

Si vous les stockez dans une boîte en fer, et que tout se passe bien, vous aurez peut-être comme moi la surprise de retrouver vos derniers fruits tout recouverts de poudre du sucre, encore davantage ressortie sur la peau. Et toujours aussi délicieux !

***

*Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter le bel article de Camille Oger, ici.

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17 réponses à “Hoshigaki – Kakis séchés à la japonaise

    • Super ! Je ne sais pas si c’est encore la saison du fuyu. J’en voyais en décembre et chez moi primeur le nom était précisé. Mais on peut aussi sécher d’autres variétés « dures ».

  1. Alors, je trouve cela merveilleux …Ce procédé poétique !
    Le seul soucis c’est que j’ai essayé une fois de goûter le kaki, sans succès pour moi. Mais il n’était peux-être pas bon à déguster…?
    Le soir, je regarde avec beaucoup de plaisir ces vidéos sur YouTube,
    https://www.youtube.com/watch?v=QHTnuI9IKBA N’ayant pas de télévision par choix, c’est une fenêtre sur le rêve avant la nuit. Je suis admirative de voir tout ce que fait cette jeune femme avec parfois pas grand chose. Tu dois connaître, mais je t’ai mis le lien, tu me diras.
    Félicitations pour tes kaki, ils m’ont fait voyagé et rêvè …Merci Alexandre

    • Merci à toi et merci pour le lien, non je ne connais pas. Je vais aller voir. Tu as raison, il y a quelque chose de poétique dans le séchage des kakis. J’y ai pris un immense plaisir… Bonne journée !

  2. Une jolie histoire et je partage l’émerveillement de voir le temps agir sur les fruits. Très amusant le massage du kaki : )

  3. Pingback: Porte bonheur – Kohaku namasu (radis daikon et carotte marinés au vinaigre sucré) | Lutsubo·

  4. La saison des kakis est finie et je suis bien malheureuse même si je me suis gavée de je ne sais combien de kilos. Mais grace à toi, il me reste encore quelques kakis séchés…

  5. Pingback: Un verre ? – Sujeonggwa (boisson coréenne aux kakis séchés) | Lutsubo·

  6. Bonjour Alexandre pour cette belle recette ancestrale comme je les aime.
    J’ai un séchoir a fruits/herbes/légumes/champignons, pensez-vous possible de sécher les kaki avec ce procédé ?
    Prenez soin de vous.

  7. Plus que le goût du kaki c’est le récit du processus de séchage qui m’enchante . Une histoire un peu magique et curieusement apaisante. Merci ,Alexandre, de la partager avec nous .

  8. Un grand merci pour cette recette du kaki j’ai un plaqueminier dans mon jardin et j’aime beaucoup cet arbre. Les fruits sont vraiment délicieux et l’arbre est magnifique par ces couleurs passant au rouge avant de tomber mes fruits mûrissent en octobre et je les cueille ou j’essaie de les cueillir avant que les 🦅 ne les picorent. Maintenant je fais ma cure de kakis persimon (pomme) et je vais essayer ta recette si les prix baissent un peu. Merci pour cette recette ancienne que je vais essayer. Cordialement

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